
Publié le 6 févr. 2023 à 19:58
Après le directoire, la main de fer de Jean-Charles Decaux fera t-elle aussi plier la stratégie d’Eurazeo ? A l’annonce du départ de Virginie Morgon, lundi, les marchés ont paru encore hésitants sur l’accueil à réserver au nouveau tandem formé par Christophe Bavière, un vétéran du private equity, et William Kadouch-Chassaing, jusqu’ici en charge des finances, après le choc produit par le départ de Virginie Morgon et de la moitié du directoire. Le cours a fini en recul de 2 %, allant dans le sens du marché boursier, sans se démarquer.
Avec un titre qui peine à franchir les 65 euros, Jean-Charles Decaux exige que les dirigeants « accélèrent » vers la gestion pour compte de tiers. Et qu’enfin les marchés arrêtent de traiter Eurazeo comme un holding, avec sa décote associée.
Malgré un virage offensif vers la gestion pour des investisseurs tiers – celle-ci pèse 23,2 milliards d’euros sur les 32,4 milliards d’actifs gérés par Eurazeo -, la société d’investissement est valorisée en Bourse 50% de moins par action que la valeur de son actif net.
« Ce niveau de décote reste élevé », soulignent les analystes de Degroof Petercam dans une note, qui ne voient pas positivement le départ de la dirigeante après ses 14 ans de maison, ni « la grande influence de la famille Decaux bien qu’elle soit minoritaire ».
Le virage vers la gestion pour compte de tiers initié par Virginie Morgon a pourtant été fort. A l’entrée de la famille Decaux, Eurazeo ne gérait que 6,9 milliards d’euros pour l’essentiel pour compte propre.
Multiple des bénéfices
Mais ce n’est pas assez pour son premier actionnaire. Les levées de fonds se sont en effet essoufflées sur un an (3,1 milliards en 2022 contre 5,2 milliards en 2021). Et le modèle de pur gérant d’actifs alternatifs fait briller les yeux des actionnaires familiaux de holding, qui chez Wendel ou GBL, subissent aussi des décotes à deux chiffres : on parle alors de multiple du bénéfice (et plus de décote sur actifs). Et cela change tout : le suisse Partners Group est par exemple valorisé 22 fois son bénéfice.
Autre intérêt pour les actionnaires : réduire les coûts. Gérer des capitaux d’autres investisseurs permet de les mutualiser, y compris ceux liés aux rémunérations, un sujet visiblement au centre lui aussi de l’électrochoc du week-end. « Nous comprenons que la hausse des taux récente puisse mécaniquement questionner la performance des actifs du groupe, ainsi que sa capacité à percevoir autant de carried interest » (part des plus-values de cession attribués aux gérants), reconnaît Oddo dans une note.
Nouvelles offensives
Quelle solution s’ouvre pour le nouveau directoire ? « La plus radicale, mais la plus théorique aussi, serait de céder les actifs du bilan, les 7 milliards actuels, pour les réinvestir entièrement dans la gestion pour compte de tiers », commente un analyste.
D’autres s’interrogent déjà sur une autre scenario : une nouvelle offensive d’un gérant d’actifs sur le groupe. « Le décès de Michel David-Weill a changé l’équilibre des pouvoirs au sein de la holding… Si la gouvernance est affaiblie, l’histoire de 2017 pourrait bien se répéter », estiment les analystes d’AlphaValue. A l’époque, Tikehau avait lancé une offensive en achetant des parts sur les marchés, avant de finalement les revendre.