La promesse a été tenue. La hausse des taux, déclenchée au printemps dernier par la Banque centrale européenne (BCE) pour lutter contre l’inflation, a bel et bien profité aux banques européennes : à l’issue des résultats du troisième trimestre, les revenus d’intérêt – un peu partout sur le Vieux Continent – ont profité de cette nouvelle donne.
Chez toutes les banques ? Non ! En France, elles ont certes signé un trimestre de bonne facture. Mais elles n’ont dans l’ensemble pas bénéficié – ni autant, ni aussi vite – de ce nouveau climat monétaire . En témoigne la baisse du bénéfice net de Crédit Agricole SA et de BPCE, à rebours de l’ensemble du secteur bancaire européen.
En cause notamment, le fait que les banques prêtent à taux fixe dans l’Hexagone, empêchant les établissements de répercuter directement la hausse auprès de leurs clients.
Marges d’intérêt en baisse
Chez BPCE, dans les caisses régionales de Crédit Agricole, mais aussi à la Société Générale, la marge nette d’intérêt était en baisse dans l’activité de banque de détail au troisième trimestre. BNP Paribas fait ici exception, avec des revenus d’intérêt en hausse en France , même s’ils se tassent en Italie et en Belgique.
« Nos marges demeurent sous pression compte tenu du caractère spécifique du marché français par rapport aux autres pays », a commenté Sébastien Proto, le directeur général adjoint de Société Générale, en charge des réseaux, qui a prévenu que le décalage allait encore durer plusieurs mois.
L’intensité concurrentielle sur le marché peut également expliquer une moindre progression des marges en France, où toutes les grandes banques ont encore vu leurs encours de crédit augmenter, malgré une situation économique plus incertaine.
Le coût de la ressource
Autre spécificité française, alors qu’elles ne peuvent pas directement répercuter la hausse des taux sur leur stock de prêts, les banques ont vu en quelques mois la rémunération qu’elles doivent servir sur le Livret A passer de 0,5 % à 2 %.
Une charge particulièrement forte pour les réseaux mutualistes, principaux distributeurs de ce produit d’épargne. Sur neuf mois, elle a coûté près de 400 millions d’euros aux Caisses d’Epargne et aux Banques Populaires .
« Pour une banque comme la nôtre qui a beaucoup de crédits à taux fixe et où nous avons plus de Livrets A, l’impact positif des taux va être plus lent. Mais il est plutôt à venir que déjà venu », expliquait Philippe Brassac, le patron de Crédit Agricole SA, lors de la présentation des résultats trimestriels jeudi .
Le comble du bon élève
Ironie du sort, les banques françaises se trouvent pénalisées par des stratégies qui s’étaient révélées plutôt gagnantes jusque-là. Face à la faiblesse des taux, elles ont cherché à se désensibiliser autant que possible du crédit, et à diversifier leur modèle pour proposer de l’assurance, de l’épargne et même des systèmes d’alarme.
« A présent que les taux remontent, les investisseurs ont tendance à privilégier des modèles bancaires plus simples et directement connectés sur les taux », explique Jérôme Legras, directeur de la recherche chez AXIOM AI.
C’est ce qui a profité aux banques espagnoles, comme Caixa ou Bankinter dont les cours ont bondi respectivement de 32 % et de 25 % depuis le début de l’année. Dopée par la remontée des taux, leur rivale Santander a vu ses revenus nets d’intérêt bondir de 7 % en Europe au troisième trimestre par rapport au trimestre précédent.
Pénalisées en Bourse
Revers de la médaille, ces banques qui prêtent à taux variable se trouvent aujourd’hui dans le viseur du gouvernement espagnol, bien décidé à leur infliger une taxe exceptionnelle, compte tenu des profits réalisés.
Le même type d’explication se retrouve en Allemagne. « Commerzbank, moins diversifiée et plus tournée vers la clientèle locale, a davantage bénéficié de la hausse des taux que Deutsche Bank », qui a pourtant enregistré elle aussi de très belles performances, souligne encore Jérôme Legras. Le titre Deutsche Bank a ainsi perdu 12 % de sa valeur depuis le début de l’année, quand Commerzbank a grimpé de 10 %.
Quant aux banques françaises, leur moindre sensibilité à l’environnement de taux leur coûte cher en Bourse. Depuis le 1er janvier, BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole SA ont perdu entre 17 % et 25 % de leur valeur.